Immobile sous le jet brûlant, les yeux fermés, Carole laisse dégouliner les fatigues de sept heures d’avion. Bien sûr, le voyage n’est pas encore fini. Tout à l’heure, il y aura un autre avion à prendre, et puis les interminables formalités à l’arrivée à Emerald Cape, et encore l’installation à l’hôtel... Mais, pour l’instant, elle profite pleinement de ces quelques heures d’escale, de la volupté particulière d’une douche en pleine journée, du parfum précieux de son lait de toilette. Quand elle sort de la cabine, elle se frictionne soigneusement, s’enduit à petits gestes efficaces d’une crème de luxe, se coiffe, enfile un tailleur pantalon impeccable. Carole n’est pas de ces femmes qui soupirent devant leur miroir. À quarante-deux ans, elle est restée jolie, elle le sait et en connaît le prix. De l’esthéticienne au coach sportif, des accessoires griffés à l’alimentation bio, de la discipline, du temps et de l’argent, il n’y a pas de miracle. Regardez-la entrer dans la salle d’attente de l’aéroport. Tout est parfait. Ses vêtements, son maquillage, sa coiffure, son sourire haut accroché, sa démarche qui reste élégante malgré le poids de son sac. Qu’est-ce qui la pousse ? Qu’est-ce qui la jette, jour après jour, au saut du lit, dans cette course aux apparences ? Y a-t-il dans son histoire une petite Carole en chemise de nuit, agenouillée près de son lit, qui prie Mon Dieu, Jésus, Marie et tous les Saints, je vous en supplie, faites que ma vie soit parfaite ! » ? Elle affectionne le mot gérer ». Tout se gère. Le travail, les gens, le temps qui passe et le temps qui manque. Avec une énergie quasi mystique, Carole gère ses enfants les meilleures écoles, cela va de soi, et du sport pour Gisèle la danse, qui rend les fillettes gracieuses, pour Jean-Christophe le tennis, qui fait des garçons dégourdis. Pour les deux du violon, et le club d’échecs. Le catéchisme, évidemment, et une nanny qui leur parle anglais le mercredi. Plus un ballet de spécialistes de tous bords, dont le nom commence par ortho ». Carole contrôle tout ce qu’ils portent, ce qu’ils mangent, ce qu’ils aiment, qui ils fréquentent. Bien sûr, quelque effort que l’on fasse, la vie n’est jamais tout à fait parfaite, mais l’essentiel n’est-il pas qu’elle le paraisse ? Il y avait eu ces longs mois où Yves ne faisait que passer à la maison, prendre ses clubs de golf, dîner sur le pouce ou se changer, sans même lui adresser la parole. Carole s’était battue. Remises en question, thérapeute conjugale, monologues d’une infinie patience devant un Yves fermé qui fixait une ineptie à la télévision. Elle avait fini par gagner et par reformer, à force de conviction, le couple lisse et feutré qu’ils avaient toujours été. Aux amis, elle avait parlé de surmenage, et ils avaient soupiré avec sympathie. Ensuite, elle avait réservé des vacances de rêve, cela avait été leur premier séjour à Emerald Cape. Du drame du cancer de sa mère, elle s’était protégée en s’accrochant au qu’en verra-t-on ». Elle souriait à la malade, lui envoyait des fleurs, affichait une mine optimiste et courageuse. Son dévouement forçait l’admiration, et c’était bien là le but recherché. Carole avait rajouté de l’abnégation à la louche. Rien n’est jamais trop beau quand il s’agit d’aimer l’image que les autres ont de nous. Plus tard, elle avait dosé avec art son affliction afin qu’elle ne basculât pas dans la théâtralité. Elle avait choisi les costumes de deuil des enfants un bleu marine classique — les enfants ne portent pas de noir. Elle avait peaufiné le texte émouvant qu’elle avait lu à l’église, si belle et si touchante dans sa robe sombre. Elle avait mis un maquillage résistant à l’eau, au cas où elle pleurerait. Mais elle n’avait pas pleuré. Dans la salle d’attente, Yves sirote une tasse de café, à demi allongé sur un des fauteuils. Quand Carole arrive, il lui sourit, tandis que les enfants s’empressent autour d’elle. — Maman ! Papa a dit qu’on pourrait aller voir pour ma montre de plongée... — D’accord, dit Carole en détachant ses mots, mais on est bien d’accord, Jean-Christophe, tu te l’offres avec ton argent de poche... — Oui, oui... — Et moi, Maman, je voudrais du parfum. On peut l’acheter ici aussi ? Gisèle. Carole se tourne vers sa fille et la détaille anxieusement, comme à chaque fois qu’elle la regarde, comme les milliers d’autres fois où elle l’a regardée depuis qu’elle est née. Un joli bébé, tout rond. Une incertitude bienheureuse, au début. Puis, peu à peu, sous l’espièglerie de la petite fille de quatre, cinq, huit ans ; dans les formes floues de l’adolescence s’était dessiné le drame Gisèle n’était pas jolie. Les traits denses, virils chez son père, étaient grossiers sur ce visage de fille. Elle avait de petits yeux ronds, une bouche sans charme, un corps trapu que les cours de danse n’avaient pu délier. Complexée, elle se tenait voûtée, riait dans sa main pour cacher son appareil dentaire. Pauvre petite créature sans soleil, remorquée dans le sillage rayonnant de sa mère... — Oui, bien sûr ma chérie, il sera moins cher qu’à Paris. Allez ! Allez ! Je vais prendre un thé vert en vous attendant. Carole les regarde s’éloigner dans la foule bariolée des voyageurs. Yves, avec sa nouvelle veste en daim, puissance et désinvolture. Jean-Christophe qui sautille pour suivre le rythme de son père, lui expliquant quelque chose avec force gestes. Gisèle qui suit, jetant des regards inquiets. Elle ramène ses longs cheveux devant ses épaules, et cela accentue l’impression d’accablement qui se dégage de toute sa personne. Carole soupire. Quand ils ont disparu, elle prend son sac à main, se dirige vers le bar, demande un thé. Son regard se perd vers les pistes, le ciel incroyablement bleu d’Amérique. Un aéroport en plein désert. Rigidité des volumes et quête de lumière. C’est à ce moment exact qu’il faudrait s’arrêter, songe-t-elle, à cette minute bénie, cet instant d’attente, le dernier, juste avant les vacances, quand elles ne sont encore que rêve et impatience. Après, tout va si vite... quelques jours douillets et heureux, arrachés à la course quotidienne, et on est déjà dans l’avion du retour, avec un peu de sable au fond des poches et trois pauvres coquillages coincés dans la valise... Des cris l’arrachent à sa rêverie. Une femme vient d’entrer dans la salle d’attente. Débraillée, en nage et visiblement énervée, elle houspille d’une voix criarde deux gamins qui slaloment pour éviter les taloches, sans perdre de vue l’écran de leur jeu vidéo. — Où c’est que t’as mis la bouteille d’Ice tea ? Hein ? Qui c’est qui l’a mise dans le sac ? J’la trouve plus ! Elle prononce ice tea » à la française. Carole sourit intérieurement. Il n’y a plus beaucoup de places libres dans la pièce. Partout des voyageurs lisent ou discutent à voix basse, se lèvent pour aller vers le bar ou les douches. La femme atterrit à côté de Carole, sans cesser de houspiller ses enfants. Le plus grand finit par sortir en soupirant la bouteille demandée, la tend à sa mère sans la regarder et reprend sa partie. Il y a un instant de flottement. Les enfants se sont posés et on n’entend plus que les bips-bips réguliers de leurs jeux. Leur mère reprend son souffle. Carole feuillette un magazine de décoration, pour éviter une éventuelle conversation. Nouveau du teck brut dans la cuisine ! Pampilles, velours et pourpres le grand retour du baroque. — On n’a pas trouvé tout de suite, nous... Faut dire que c’est vachement grand, ici... Puis c’est pas bien marqué où qu’il faut aller. Vous avez trouvé de suite, vous ? — Oui, concède Carole, qui ajoute poliment mais on était déjà venus. Au pays des merveilles, bois des îles pour siestes de luxe. — Ah ! C’est pour ça... Lampée d’ice tea, puis coup de menton vers les enfants. — Y a que ça qui les intéresse, hein, les gosses de maintenant... La console, la PlayStation... Carole acquiesce sans conviction. Very girly, choisissez une chambre aux formes douces et rondes... — Je leur ai payé à Noël... C’était cher, mais tous leurs copains l’avaient, alors... en pin massif, l’esprit brocante anglaise — ... Vous aussi vous allez à Emerald Cape ? — Hum... oui... un petit meuble classique et élégant aux pieds galbés... — Nous aussi. Ça a l’air beau sur les photos ! Nondid’ju, toi ! La mer, la plage, le soleil... Mon gamin, là , le p’tit, Bradley, il a jamais vu la mer, hein, Brady, que t’as jamais vu la mer ? Un grognement. — ... la belle mer bleue... puis y a une piscine, un bar... Elle fixe un instant son sac de voyage élimé. — C’t’une copine qui m’l’a prêté. Mon, j’en ai pas de sac. Qu’est-ce que j’en foutrais ? On voyage jamais. On reste là , même l’été. J’habite dans une cité, vous savez... — Ah... somptueusement décorée, en bois polychrome... Difficile de lire plus longtemps sans devenir vraiment impolie. Carole lève la tête vers son interlocutrice et éprouve aussitôt une délectation étrange à détailler la permanente démodée, les racines noires dans les mèches platine pisseux, le jogging déformé par les lavages, les baskets de plastique rose, le sourire qui s’ouvre sur les dents mal soignées, noircies par le tabac. Malgré elle, une bouffée de joie malsaine l’envahit une dose de pitié, deux grammes d’amusement, une petite pincée de mépris et par-dessus tout l’immense satisfaction de n’être pas comme ça. Si un seul instinct survit, dans nos sociétés rationnelles, c’est certainement celui de la classe sociale. Ce simple coup d’œil a suffi à Carole pour cataloguer cette femme, avec toutes les impossibilités qui en découlent. Il est par exemple évident qu’elles ne pourront jamais être amies. Carole pourrait peut-être lui refiler quelques vieux vêtements, ou la recommander comme femme de ménage, mais ça n’ira jamais plus loin. D’ailleurs l’autre le sent, elle aussi, qui regarde avec respect le tailleur linéaire de Carole, les lunettes Chanel dans les cheveux impeccables, le scintillement raffiné des bijoux. Ravie tout de même de cette attention inespérée, elle se penche en avant et confie d’un ton sentencieux — Ce n’est pas facile tous les jours. — Non, bien sûr. Ce n’est pas une simple formule. Carole pense que non, vraiment, pour cette femme, la vie ne doit pas être facile tous les jours. Vivre dans une cité, quelle horreur ! Elle, elle ne pourrait pas. Les appartements sordides et minuscules, les cris des voisins, les cages d’escaliers taguées, les odeurs d’urine et de cuisine grasse... — Et puis, une femme toute seule avec deux gamins, c’est pas drôle, j’vais vous dire... — J’imagine... — Heureusement y en a qui m’aident ! Sinon je sais pas comment que j’f’rais. J’ai un éducateur qui m’aide, surtout pour Brady. Hein, Brady ? Hein qu’y a Nicolas qui te dit ce qu’il n’faut pas faire ? Carole a une pensée d’admiration pour ce Nicolas, comme elle en a en général pour tous les gens qui consacrent leur vie à aider leurs semblables. Éducateur dans une cité ! Il faut avoir la vocation, tout de même. Le jeune Bradley commence d’ailleurs à s’agiter. Il a posé son jeu et tourne mécaniquement autour des fauteuils en poussant des petits cris. À chaque passage, il shoote dans le sac de sa mère et envoie une bourrade à son frère qui proteste mollement sans cesser de jouer. — Calme-toi, Brady, nom did’ju ! glapit la mère. Carole observe l’enfant. Est-il tout à fait normal ? Son petit corps n’est que mouvements saccadés, qui semblent toujours rater leur but. Son regard fuyant, vide, met mal à l’aise. Il tiraille à présent une plante verte, sous le froncement de sourcils agacé du barman. La mère soupire bruyamment. — C’est reparti ! Je sais plus quoi en faire, moi ! Y n’arrête jamais... — Quel âge a-t-il ? — Sept ans. Carole sursaute elle lui en mettait quatre. Voyant la femme au bord des larmes, elle tente de dédramatiser — Ça a l’air d’être en effet un petit garçon plein de vie... Mais l’autre n’écoute plus, partie dans un monologue écrasant, son histoire décolorée pour elle car cent fois répétée, mais où chaque mot pèse une tonne — Depuis qu’il était né, il pleurait. Sans arrêt, il criait, il pleurait, Brady, le jour, la nuit, tout le temps. On savait pas ce qu’il avait. Le médecin non plus savait pas. On pouvait pas dormir. Les voisins gueulaient. Alors mon mari, il le prenait, il le secouait pour qu’il s’arrête, mais il arrêtait jamais. Alors mon mari, il le tapait, il le tapait. Pour qu’il arrête. Mais il arrêtait jamais. Il pleurait, sans arrêt. À six mois, on l’a opéré. Il avait une infection, un truc à l’intestin, et c’est pour ça qu’il pleurait tout le temps. Après, mon mari a continué à le taper. Il était violent, cet homme, il me tapait, moi aussi, et Kevin quand il voulait pas dormir. Alors je suis partie, on a déménagé à Strasbourg. On a la paix maintenant. Bradley chiffonne de petits morceaux de feuilles qu’il arrache méthodiquement à la plante. Il lance à Carole un regard dénué de toute expression. — Arrête, Brady ! Touche pas à ça ! Puis, plus bas — Je pense qu’y va aimer la mer. La mer de là -bas, quoi, chaude et tout. C’est ça que je voulais leur payer avec l’argent. Vous savez combien j’ai eu ? Carole secoue la tête. — Cinq mille euros. Après quatre ans au tribunal et tout, pour avoir mon divorce et que mon mari paye. Cinq mille euros qu’il a dû payer. Pour mon Brady qui s’ra jamais normal à cause de tout ce qu’il lui a tapé dessus quand il était bébé... Les revoici. Jean-Christophe en tête, brandissant sa montre. Derrière lui, Gisèle, l’œil vague dans ses cheveux lourds. — Il lui faudrait une bonne coupe, songe Carole, oui, un petit carré, par exemple, quelque chose d’assez aérien... Je lui prendrai un rendez-vous au retour chez René — Paul... ou chez Tiphaine, ce n’est pas donné, mais les coupes sont ravissantes...
AuxEtats-Unis, des stations-services Ă court de carburant après le piratage d'olĂ©oducs Le variant indien dĂ©tectĂ© dans 44 pays, les Etats-Unis appelĂ©s Ă
"Comme le tireur à l'arc dans le zen, je ne vise rien, je m'applique à bien tirer." Michel Vinaver, Écrits sur le Théâtre, 1978 © Short Édition - Toute reproduction interdite sans autorisation Immobile sous le jet brûlant, les yeux fermés, Carole laisse dégouliner les fatigues de sept heures d’avion. Bien sûr, le voyage n’est pas encore fini. Tout à l’heure, il y aura un autre avion à prendre, et puis les interminables formalités à l’arrivée à Emerald Cape, et encore l’installation à l’hôtel... Mais, pour l’instant, elle profite pleinement de ces quelques heures d’escale, de la volupté particulière d’une douche en pleine journée, du parfum précieux de son lait de toilette. Quand elle sort de la cabine, elle se frictionne soigneusement, s’enduit à petits gestes efficaces d’une crème de luxe, se coiffe, enfile un tailleur pantalon impeccable. Carole n’est pas de ces femmes qui soupirent devant leur miroir. À quarante-deux ans, elle est restée jolie, elle le sait et en connaît le prix. De l’esthéticienne au coach sportif, des accessoires griffés à l’alimentation bio, de la discipline, du temps et de l’argent, il n’y a pas de miracle. Regardez-la entrer dans la salle d’attente de l’aéroport. Tout est parfait. Ses vêtements, son maquillage, sa coiffure, son sourire haut accroché, sa démarche qui reste élégante malgré le poids de son sac. Qu’est-ce qui la pousse ? Qu’est-ce qui la jette, jour après jour, au saut du lit, dans cette course aux apparences ? Y a-t-il dans son histoire une petite Carole en chemise de nuit, agenouillée près de son lit, qui prie Mon Dieu, Jésus, Marie et tous les Saints, je vous en supplie, faites que ma vie soit parfaite ! » ? Elle affectionne le mot gérer ». Tout se gère. Le travail, les gens, le temps qui passe et le temps qui manque. Avec une énergie quasi mystique, Carole gère ses enfants les meilleures écoles, cela va de soi, et du sport pour Gisèle la danse, qui rend les fillettes gracieuses, pour Jean-Christophe le tennis, qui fait des garçons dégourdis. Pour les deux du violon, et le club d’échecs. Le catéchisme, évidemment, et une nanny qui leur parle anglais le mercredi. Plus un ballet de spécialistes de tous bords, dont le nom commence par ortho ». Carole contrôle tout ce qu’ils portent, ce qu’ils mangent, ce qu’ils aiment, qui ils fréquentent. Bien sûr, quelque effort que l’on fasse, la vie n’est jamais tout à fait parfaite, mais l’essentiel n’est-il pas qu’elle le paraisse ? Il y avait eu ces longs mois où Yves ne faisait que passer à la maison, prendre ses clubs de golf, dîner sur le pouce ou se changer, sans même lui adresser la parole. Carole s’était battue. Remises en question, thérapeute conjugale, monologues d’une infinie patience devant un Yves fermé qui fixait une ineptie à la télévision. Elle avait fini par gagner et par reformer, à force de conviction, le couple lisse et feutré qu’ils avaient toujours été. Aux amis, elle avait parlé de surmenage, et ils avaient soupiré avec sympathie. Ensuite, elle avait réservé des vacances de rêve, cela avait été leur premier séjour à Emerald Cape. Du drame du cancer de sa mère, elle s’était protégée en s’accrochant au qu’en verra-t-on ». Elle souriait à la malade, lui envoyait des fleurs, affichait une mine optimiste et courageuse. Son dévouement forçait l’admiration, et c’était bien là le but recherché. Carole avait rajouté de l’abnégation à la louche. Rien n’est jamais trop beau quand il s’agit d’aimer l’image que les autres ont de nous. Plus tard, elle avait dosé avec art son affliction afin qu’elle ne basculât pas dans la théâtralité. Elle avait choisi les costumes de deuil des enfants un bleu marine classique — les enfants ne portent pas de noir. Elle avait peaufiné le texte émouvant qu’elle avait lu à l’église, si belle et si touchante dans sa robe sombre. Elle avait mis un maquillage résistant à l’eau, au cas où elle pleurerait. Mais elle n’avait pas pleuré. Dans la salle d’attente, Yves sirote une tasse de café, à demi allongé sur un des fauteuils. Quand Carole arrive, il lui sourit, tandis que les enfants s’empressent autour d’elle. — Maman ! Papa a dit qu’on pourrait aller voir pour ma montre de plongée... — D’accord, dit Carole en détachant ses mots, mais on est bien d’accord, Jean-Christophe, tu te l’offres avec ton argent de poche... — Oui, oui... — Et moi, Maman, je voudrais du parfum. On peut l’acheter ici aussi ? Gisèle. Carole se tourne vers sa fille et la détaille anxieusement, comme à chaque fois qu’elle la regarde, comme les milliers d’autres fois où elle l’a regardée depuis qu’elle est née. Un joli bébé, tout rond. Une incertitude bienheureuse, au début. Puis, peu à peu, sous l’espièglerie de la petite fille de quatre, cinq, huit ans ; dans les formes floues de l’adolescence s’était dessiné le drame Gisèle n’était pas jolie. Les traits denses, virils chez son père, étaient grossiers sur ce visage de fille. Elle avait de petits yeux ronds, une bouche sans charme, un corps trapu que les cours de danse n’avaient pu délier. Complexée, elle se tenait voûtée, riait dans sa main pour cacher son appareil dentaire. Pauvre petite créature sans soleil, remorquée dans le sillage rayonnant de sa mère... — Oui, bien sûr ma chérie, il sera moins cher qu’à Paris. Allez ! Allez ! Je vais prendre un thé vert en vous attendant. Carole les regarde s’éloigner dans la foule bariolée des voyageurs. Yves, avec sa nouvelle veste en daim, puissance et désinvolture. Jean-Christophe qui sautille pour suivre le rythme de son père, lui expliquant quelque chose avec force gestes. Gisèle qui suit, jetant des regards inquiets. Elle ramène ses longs cheveux devant ses épaules, et cela accentue l’impression d’accablement qui se dégage de toute sa personne. Carole soupire. Quand ils ont disparu, elle prend son sac à main, se dirige vers le bar, demande un thé. Son regard se perd vers les pistes, le ciel incroyablement bleu d’Amérique. Un aéroport en plein désert. Rigidité des volumes et quête de lumière. C’est à ce moment exact qu’il faudrait s’arrêter, songe-t-elle, à cette minute bénie, cet instant d’attente, le dernier, juste avant les vacances, quand elles ne sont encore que rêve et impatience. Après, tout va si vite... quelques jours douillets et heureux, arrachés à la course quotidienne, et on est déjà dans l’avion du retour, avec un peu de sable au fond des poches et trois pauvres coquillages coincés dans la valise... Des cris l’arrachent à sa rêverie. Une femme vient d’entrer dans la salle d’attente. Débraillée, en nage et visiblement énervée, elle houspille d’une voix criarde deux gamins qui slaloment pour éviter les taloches, sans perdre de vue l’écran de leur jeu vidéo. — Où c’est que t’as mis la bouteille d’Ice tea ? Hein ? Qui c’est qui l’a mise dans le sac ? J’la trouve plus ! Elle prononce ice tea » à la française. Carole sourit intérieurement. Il n’y a plus beaucoup de places libres dans la pièce. Partout des voyageurs lisent ou discutent à voix basse, se lèvent pour aller vers le bar ou les douches. La femme atterrit à côté de Carole, sans cesser de houspiller ses enfants. Le plus grand finit par sortir en soupirant la bouteille demandée, la tend à sa mère sans la regarder et reprend sa partie. Il y a un instant de flottement. Les enfants se sont posés et on n’entend plus que les bips-bips réguliers de leurs jeux. Leur mère reprend son souffle. Carole feuillette un magazine de décoration, pour éviter une éventuelle conversation. Nouveau du teck brut dans la cuisine ! Pampilles, velours et pourpres le grand retour du baroque. — On n’a pas trouvé tout de suite, nous... Faut dire que c’est vachement grand, ici... Puis c’est pas bien marqué où qu’il faut aller. Vous avez trouvé de suite, vous ? — Oui, concède Carole, qui ajoute poliment mais on était déjà venus. Au pays des merveilles, bois des îles pour siestes de luxe. — Ah ! C’est pour ça... Lampée d’ice tea, puis coup de menton vers les enfants. — Y a que ça qui les intéresse, hein, les gosses de maintenant... La console, la PlayStation... Carole acquiesce sans conviction. Very girly, choisissez une chambre aux formes douces et rondes... — Je leur ai payé à Noël... C’était cher, mais tous leurs copains l’avaient, alors... en pin massif, l’esprit brocante anglaise — ... Vous aussi vous allez à Emerald Cape ? — Hum... oui... un petit meuble classique et élégant aux pieds galbés... — Nous aussi. Ça a l’air beau sur les photos ! Nondid’ju, toi ! La mer, la plage, le soleil... Mon gamin, là , le p’tit, Bradley, il a jamais vu la mer, hein, Brady, que t’as jamais vu la mer ? Un grognement. — ... la belle mer bleue... puis y a une piscine, un bar... Elle fixe un instant son sac de voyage élimé. — C’t’une copine qui m’l’a prêté. Mon, j’en ai pas de sac. Qu’est-ce que j’en foutrais ? On voyage jamais. On reste là , même l’été. J’habite dans une cité, vous savez... — Ah... somptueusement décorée, en bois polychrome... Difficile de lire plus longtemps sans devenir vraiment impolie. Carole lève la tête vers son interlocutrice et éprouve aussitôt une délectation étrange à détailler la permanente démodée, les racines noires dans les mèches platine pisseux, le jogging déformé par les lavages, les baskets de plastique rose, le sourire qui s’ouvre sur les dents mal soignées, noircies par le tabac. Malgré elle, une bouffée de joie malsaine l’envahit une dose de pitié, deux grammes d’amusement, une petite pincée de mépris et par-dessus tout l’immense satisfaction de n’être pas comme ça. Si un seul instinct survit, dans nos sociétés rationnelles, c’est certainement celui de la classe sociale. Ce simple coup d’œil a suffi à Carole pour cataloguer cette femme, avec toutes les impossibilités qui en découlent. Il est par exemple évident qu’elles ne pourront jamais être amies. Carole pourrait peut-être lui refiler quelques vieux vêtements, ou la recommander comme femme de ménage, mais ça n’ira jamais plus loin. D’ailleurs l’autre le sent, elle aussi, qui regarde avec respect le tailleur linéaire de Carole, les lunettes Chanel dans les cheveux impeccables, le scintillement raffiné des bijoux. Ravie tout de même de cette attention inespérée, elle se penche en avant et confie d’un ton sentencieux — Ce n’est pas facile tous les jours. — Non, bien sûr. Ce n’est pas une simple formule. Carole pense que non, vraiment, pour cette femme, la vie ne doit pas être facile tous les jours. Vivre dans une cité, quelle horreur ! Elle, elle ne pourrait pas. Les appartements sordides et minuscules, les cris des voisins, les cages d’escaliers taguées, les odeurs d’urine et de cuisine grasse... — Et puis, une femme toute seule avec deux gamins, c’est pas drôle, j’vais vous dire... — J’imagine... — Heureusement y en a qui m’aident ! Sinon je sais pas comment que j’f’rais. J’ai un éducateur qui m’aide, surtout pour Brady. Hein, Brady ? Hein qu’y a Nicolas qui te dit ce qu’il n’faut pas faire ? Carole a une pensée d’admiration pour ce Nicolas, comme elle en a en général pour tous les gens qui consacrent leur vie à aider leurs semblables. Éducateur dans une cité ! Il faut avoir la vocation, tout de même. Le jeune Bradley commence d’ailleurs à s’agiter. Il a posé son jeu et tourne mécaniquement autour des fauteuils en poussant des petits cris. À chaque passage, il shoote dans le sac de sa mère et envoie une bourrade à son frère qui proteste mollement sans cesser de jouer. — Calme-toi, Brady, nom did’ju ! glapit la mère. Carole observe l’enfant. Est-il tout à fait normal ? Son petit corps n’est que mouvements saccadés, qui semblent toujours rater leur but. Son regard fuyant, vide, met mal à l’aise. Il tiraille à présent une plante verte, sous le froncement de sourcils agacé du barman. La mère soupire bruyamment. — C’est reparti ! Je sais plus quoi en faire, moi ! Y n’arrête jamais... — Quel âge a-t-il ? — Sept ans. Carole sursaute elle lui en mettait quatre. Voyant la femme au bord des larmes, elle tente de dédramatiser — Ça a l’air d’être en effet un petit garçon plein de vie... Mais l’autre n’écoute plus, partie dans un monologue écrasant, son histoire décolorée pour elle car cent fois répétée, mais où chaque mot pèse une tonne — Depuis qu’il était né, il pleurait. Sans arrêt, il criait, il pleurait, Brady, le jour, la nuit, tout le temps. On savait pas ce qu’il avait. Le médecin non plus savait pas. On pouvait pas dormir. Les voisins gueulaient. Alors mon mari, il le prenait, il le secouait pour qu’il s’arrête, mais il arrêtait jamais. Alors mon mari, il le tapait, il le tapait. Pour qu’il arrête. Mais il arrêtait jamais. Il pleurait, sans arrêt. À six mois, on l’a opéré. Il avait une infection, un truc à l’intestin, et c’est pour ça qu’il pleurait tout le temps. Après, mon mari a continué à le taper. Il était violent, cet homme, il me tapait, moi aussi, et Kevin quand il voulait pas dormir. Alors je suis partie, on a déménagé à Strasbourg. On a la paix maintenant. Bradley chiffonne de petits morceaux de feuilles qu’il arrache méthodiquement à la plante. Il lance à Carole un regard dénué de toute expression. — Arrête, Brady ! Touche pas à ça ! Puis, plus bas — Je pense qu’y va aimer la mer. La mer de là -bas, quoi, chaude et tout. C’est ça que je voulais leur payer avec l’argent. Vous savez combien j’ai eu ? Carole secoue la tête. — Cinq mille euros. Après quatre ans au tribunal et tout, pour avoir mon divorce et que mon mari paye. Cinq mille euros qu’il a dû payer. Pour mon Brady qui s’ra jamais normal à cause de tout ce qu’il lui a tapé dessus quand il était bébé... Les revoici. Jean-Christophe en tête, brandissant sa montre. Derrière lui, Gisèle, l’œil vague dans ses cheveux lourds. — Il lui faudrait une bonne coupe, songe Carole, oui, un petit carré, par exemple, quelque chose d’assez aérien... Je lui prendrai un rendez-vous au retour chez René — Paul... ou chez Tiphaine, ce n’est pas donné, mais les coupes sont ravissantes... Vous aimerez aussi !Nouvelles Wallon, maître chez toi !Annabel Seynave- Le jeudi, depuis toujours, pour Irène, c'est le jour du GB. Et depuis huit ans qu'il est à la retraite, Louis, son mari, l'accompagne. Ils se lèvent à sept heures, prennent leur petit déjeune ... 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L’économie n’est pas une science, pas une science exacte du moins. C’est un mélange d’objectivité des chiffres et de perceptions subjectives, de réalités quantifiables et de confiance des investisseurs, ménages et opérateurs financiers. Ces dernières quarante-huit heures, ce n’est ainsi pas l’état de santé de l’économie américaine qui a fait plonger les marchés boursiers. Au moment même où les cours baissaient, les indicateurs américains faisaient, au contraire, état d’une accélération de l’activité industrielle et d’un recul des suppressions d’emplois, signe de l’optimisme des chefs d’entreprises. C’est malgré les chiffres que les Bourses ont baissé et cette dégringolade tient à la crise de confiance provoquée par les scandales affectant les entreprises américaines. Il y eut d’abord, à la fin de l’année dernière, l’affaire Enron, ce courtier en énergie devenu la coqueluche des marchés, ce nouveau Panama dont il s’est avéré qu’il courrait devant ses dettes à coup de maquillages et de sociétés-écrans. Dans la foulée, c’est le cabinet Andersen, l’un des tout premiers cabinets comptables du monde, qui s’est écroulé pour avoir prêté la main aux falsifications d’Enron. Puis les langues se sont déliées. La justice s’est mobilisée. Merill Lynch, l’un des grands agents de change new-yorkais, a manqué chavirer quand les juges ont découvert que ses analystes recommandaient d’investir dans des sociétés qu’ils jugeaient sans valeur et, de proche en proche, la suspicion s’est étendue à toutes les grandes entreprises, globalement soupçonnées et accusées de manipuler leurs comptes pour faire monter leurs actions en grand nombre de mentir à leurs actionnaires. C’est un nouveau scandale qui a ainsi provoqué, lundi, l’actuel malaise des Bourses. Alors, pourquoi ? Pourquoi l’embrouille comptable a-t-elle pris des proportions d’épidémie aux Etats-Unis ? Hier, dans le New York Times, Paul Krugman, l’un des meilleurs économistes américains, donnait sa réponse. Les gros actionnaires, expliquait-il, ont inventé, il y a deux décennies de personnellement intéresser les PDG et leurs cadres à la montée des cours en leur accordant des paquets d’actions préférentielles qui leur permettaient de devenir milliardaires en quelques années. Ce fut une révolution. On est ainsi passé d’une période où les managers se sentaient responsables du long terme, et notamment de leurs salariés, à une nouvelle culture où seuls comptaient les résultats immédiats, les dégraissages et les fusions-acquistions les plus spectaculaires, facteurs d’emballement des titres. Ca a marché, du moins pour les actionnaires, tellement bien marché, écrit Paul Krugman qu’il n’y avait plus qu’un pas à faire pour que cette avidité ne mène aux tripatouillages. C’est en effet ce qui s’est passé et, à l’heure du bilan, quand le capitalisme réalise qu’il s’est peut-être bien tiré dans le pied, une course à la vertu s’amorce accompagnée par une nouvelle génération d’économistes, Paul Krugman ou le Prix Nobel Joseph Stiglitz, qui prêchent la régulation, le long-terme, l’éthique, le profit bien sûr mais par la création de richesses et non plus l’incitation aux malversations et à l’illusion financière. Avec un zeste d’étatisme, un autre libéralisme, timidement, s’esquisse.
Les managers dont on se souvient sont ceux qui font preuve de courage et vont de l'avant dans les situations difficiles. istock En janvier dernier, le cabinet Mc Kinsey publiait une étude visant à recenser les caractéristiques de leadership des entreprises les plus performantes. Aucune des qualités, aussi remarquables soient-elles, ne fait référence à la notion de courage. S'il ne s'agit pas d'une compétence nommée comme telle, le courage n'est-il pas l'attitude ou le savoir-être essentiel d'un leader d'équipe en environnement compétitif et changeant? Au travers de mon expérience de management dans une société en perpétuel mouvement fusion-acquisition, croissance, innovation... et mon activité de coaching de dirigeants et entrepreneurs, j'aimerais apporter un éclairage sur cette notion de courage managérial. Un manager courageux se distingueQuel est le manager qui vous a le plus inspiré? Quel est celui que vous avez le plus aimé? Etait-ce parce qu'il avait du charisme, une bonne vision, un talent d'orateur, une écoute de vos idées, une attitude très terrain, la clarté des objectifs, une rapidité d'analyse et de prise de décision, ou peut-être un peu tout cela et même plus encore? Et ce plus, quel serait-il? Celui ou celle qui s'est distinguée à vos yeux mérite que l'on s'arrête quelques instants et qu'on nomme précisément ses qualités. Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement N'a-t-il pas ou elle été capable de défendre les intérêts de l'équipe nonobstant le risque encouru de conflit? Ce manager a-t-il osé dire oui à une idée de lancement produit et fait taire des peurs intimes? Il ou elle a peut-être travaillé des nuits entières sur des demandes d'augmentation pour ses meilleurs contributeurs tout en renonçant à se servir personnellement dans le budget contraint. Face à une maison-mère américaine, il a pu justifier le report d'une restructuration avec diplomatie, fermeté, conscient aussi de ne pas être éternel dans son poste. Ces exemples illustrent quelques traits de courage managérial que nous tenterons de définir. Aller de l'avant dans toutes les situationsLe manager n'est pas un héros. Il n'est pas attendu qu'il sacrifie sa vie au profit de l'entreprise pour disparaître. Ce rappel est destiné aux quelques bourreaux de travail qui investissent tout et pour qui tout se passe bien tant que l'entreprise le leur rend bien. Pas héros, donc. Il s'agit plutôt d'être engagé dans l'entreprise, engagé auprès de ses équipes, à l'écoute des clients. Il y a la notion de "dedans" et du "pour". On peut aussi penser au courage d'entreprendre. Sortir de son bureau qui n'est pas une tour d'ivoire et monter au front, pour faire, dire la vérité, demander, agir. Le pouvoir de l'action, faire sans entraver la liberté d'initiative des équipes, assumer son périmètre de responsabilité et intervenir. Cette capacité d'entreprendre permet de conduire le changement. Aller de l'avant, mener l'aventure et ne pas préférer son confort. Dire les choses à bon escient, avec mesure, accepter d'entendre même le "pas agréable" en contrôle de ses réactions. Etre dans la vérité, ne pas dire ses quatre vérités à un supérieur ça se passe rarement bien mais dire la vérité à tous ceux à qui on rend compte, ses collaborateurs, savoir expliquer en espérant qu'ils sauront entendre. Le courage c'est aussi une forme de persévérance qui donne de la force face à l'adversité, la volonté de poursuivre en dépit d'échecs, de résultats insatisfaisants. Ce sont des qualités de résistance comme la résistance à des tentations de fuite ou d'inaction. Je me lève le matin malgré la fatigue, je contrôle ma paresse contextualisée, je résiste à la tentation de craquer. Le courage s'exprime dans le risque et l'incertitude. L'objectif à atteindre sera perçu comme supérieur à l'alternative de ne rien faire. L'enjeu vaut la prise de risque mesurée. L'équipe elle-même renforce la motivation du chef à prendre fait et cause pour elle leurs résultats, la relation de confiance, "ils en valent la peine". Le manager n'est pas un héros, il ne met pas en danger son équipe ou l'entreprise, il exerce son sens critique. Son courage est moral. Qui est-on pour manager avec courage?Le courage va avec une forme d'honnêteté et de conscience de soi. Honnêteté car il faut avoir des valeurs pour "mouiller sa chemise". Etre congruent entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. Etre aligné aussi avec ses propres valeurs et celles prônées par l'entreprise. Une vertu masculine? Pas nécessairement si l'on admet que Marie Curie est un exemple de courage et de persévérance dans son engagement scientifique et la poursuite de ses recherches bien après le décès accidentel de son époux. Ceci suppose aussi une bonne dose de conscience de soi qui je suis, comment je fais vivre mes valeurs, à quoi mon rôle sert-il, en quoi cela est il important pour moi et pour l'organisation. On peut affirmer qu'il n'y a pas de manager courageux sans organisation qui y "encourage". L'entreprise, au travers de ses valeurs, de son recrutement, de zones de dialogue, reconnaîtra la prise d'initiative, la liberté d'expression, les confrontations de points de vue. Avec des leaders et des managers courageux, elle y gagnera en adhésion, performance collective, rétention des talents. Puissent les modèles de recrutement et les grilles d'évaluation reconnaître le courage comme une attitude clef. Puissent les "potentiels managers" rêver d'exprimer leur engagement pour servir l'entreprise et leurs équipes. Puissent les promus toujours se souvenir de cette promesse faite à eux-mêmes. Par extension, les collaborateurs d'un tel manager se verront à leur tour courageux et engagés pour leur chef d'abord, pour l'entreprise ensuite. Et si l'exemple forge la force de l'âme, alors rappelons-nous Churchill "Le succès n'est pas final, l'échec n'est pas fatal, c'est le courage de continuer qui compte" Nelson Mandela "J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre." anne-caroline-moeller Les plus lus OpinionsChroniquePar Gérald BronnerLa chronique d'Aurélien SaussayPar Aurélien Saussay, chercheur à la London School of Economics, économiste de l'environnement spécialiste des questions de transition énergétiqueChroniqueAbnousse ShalmaniLa chronique de Christophe DonnerChristophe Donner
Rothschild! Certains noms, pour leur sonorité brève et conquérante ou encore leur lourdeur mordorée, possèdent un pouvoir de suggestion qui souvent confirme, voire confère un parfum de légende à ceux qui les portent. Sentez-vous, par exemple, l'opulence que recèlent les dix lettres de ce nom? Quittez toute idée de baronnie pour ne garder que le mot et écoutez la musique pourprée qu'il rend. Y est déjà contenu le chant harmonieux d'un château-lafite, ou peut-être celui d'une grande année de mouton qu'on décante dans un flacon de Bohême. Mieux vous imaginez déjà des lambris, des tentures de damas et, à une cimaise, accrochée là au hasard, baignant dans une lumière onctueuse et tendre, presque crépusculaire, une toile de Rembrandt prenant ses aises. Un vieillard profond y est représenté, enturbanné et hardé de clair-obscur. Il est si absorbé dans un livre, dont on devine les caractères hébraïques, que les rides de son visage en sont devenues comme le reflet. Il est là de toute éternité ainsi que ceux de sa religion, penché sur un antique Talmud, à moins que ce ne soient déjà les comptes de la maison Rothschild et Frères. En effet, ce vieil homme coiffé d'un bonnet jaune, enveloppé dans sa lévite, plus qu'un philosophe méditant à l'ombre d'une synagogue pourrait bien être l'ancêtre de Francfort vérifiant les comptes de ses fils, dispersés de par l'Europe. L'aîné, Amschel, étant demeuré avec le patriarche à Francfort, les quatre autres avaient pris le large et gagné tour à tour Londres, Paris, Vienne et Naples. Seules, aujourd'hui, Londres et Paris demeurent. Cependant, les Rothschild affichent, semble-t-il, une belle santé. Au point qu'on peut parler d'un retour. Le chef de la branche française, le baron Guy, qui vient de faire paraître, sous le titre Mon ombre siamoise», aux éditions Grasset, une manière de vade-mecum, explique, avec beaucoup de hauteur de vue et ce qu'il faut d'humour, comment, par les temps qui courent et les aléas des nationalisations, se consoler d'être Rothschild en maintenant, sans en être dupe, la légende. Nous n'avons fait que suivre la pente naturelle du destin. Rien de très original à cela. Du moins, aux yeux du spectateur que je suis devenu. L'entêtement est une vertu familiale. Les socialistes, nous nationalisant en 1981, nous avaient également privés de notre nom. C'était payer un bon prix cette singularité d'être Rothschild. Malgré tout, nous ne nous laissâmes pas abattre. J'étais retiré des affaires, mais mon fils, David, et son cousin, Eric, rejoints plus tard par mon autre fils, Edouard, prirent les choses en main. Ainsi, Gestion, empruntant son nom à Paris-Orléans, un petit holding qui nous restait, est devenue banque en 1984. C'était fatal plus on est enraciné dans un métier, plus il est difficile de s'en dégager...» La Gestion, quelques années plus tard, grâce au premier gouvernement de cohabitation, prendra le nom de Rothschild et Cie. On retrouve, aujourd'hui, cette société en commandite avec sept associés gérants, dont, notamment, Jean-Claude Meyer, autrefois chez Lazard, et Jean-Charles Naouri, ancien directeur du cabinet de Pierre Bérégovoy, au carrefour de toutes les grosses affaires de privatisation Paribas, Matra, de fusion Casino et Rallye et d'acquisition celle de Jacob Suchard par Philip Morris, vente de La Chapelle-Darblay.... Mieux, depuis quelques mois, David de Rothschild est devenu deputy-chairman de Rothschild and Son, l'affaire ancestrale de son cousin anglais, sir Evelyn Rothschild. Ainsi, les deux maisons de Londres et de Paris, à défaut d'être à nouveau réunies comme au temps du baron Nathan et du baron James, ont-elles des intérêts communs à travers des filiales européennes, lesquelles étendent leurs réseaux aux Etats-Unis, au Canada et en Asie. Un nouveau pacte. Peut-être une nouvelle unité» si l'on en juge par la célérité, l'an passé, de sir Evelyn pour débloquer une provision de 150 millions de francs suisses afin de porter secours à son cousin français, le baron Elie, quand celui-ci se trouva mis en difficulté, à la Rothschild Bank de Zurich, par les frauduleuses opérations de Jurg Heer, l'un des fondés de pouvoir. Sir Evelyn, qui est également entré au comité de surveillance des établissements bancaires d'Edmond de Rothschild. Ce vieux dragon qu'on croyait définitivement endormi dans sa retraite de Suisse. Et qui, à côté de mille projets pour son château Clarke, son brie fermier, le site de Césarée, en Israël, dont il est propriétaire, reprend, aujourd'hui, du service à sa banque. Vous avez compris comme l'eau aux poissons et l'air aux oiseaux, la banque, avec ses hauts et ses bas, est l'élément nécessaire à la survie de cet animal rare qu'est l'Homo rothschildus, dont l'idéologue de gauche, pour qui il représente le symbole du capitalisme, a un peu trop vite fait de vendre les plumes, en le classant définitivement dans les races en voie de disparition. C'eût été faire fi d'une longue histoire. Dès 1810, un pacte de famille est mis en application, qui en gros régira, jusqu'à la Première Guerre mondiale, les rapports entre les différentes branches. Les cinq frères venaient de mettre en place la première multinationale de l'Histoire et devenaient, du même coup, des européens» avant la lettre. Pour leurs opérations sur plusieurs places à la fois, ils créent une véritable poste privée. La réputation de ce service est telle que des hommes politiques comme Metternich en usent volontiers pour leurs courriers secrets. Le coup de Bourse au moment de Waterloo est une légende, avoue Guy de Rothschild. Une légende qui a la vie dure. Il est sûr que les Rothschild, grâce à un système de pigeons voyageurs, connurent la nouvelle avant les gouvernements. C'est d'ailleurs Nathan Mayer qui, dérangeant le Premier ministre anglais, en plein souper, lui apprit la victoire de Wellington.» Donc, dès 1815, les maisons de Francfort, Londres, Vienne, Paris et, un peu plus tard, de Naples sont une même affaire, avec, chacune, un bilan consolidé. L'ÉCU ROUGE A cette date, l'ancêtre, qui avait accédé à la position enviable de juif de cour, mais était demeuré, cependant, dans le ghetto, dont, à la nuit, on verrouillait encore les lourdes portes, est déjà mort. Il n'avait pas voulu quitter sa maison de la Judengasse à l'enseigne de l'écu rouge. Ce rot Schild» dont la famille tirait son nom ou plutôt son sobriquet. En effet, en cette fin du xviiie siècle, dans cette Allemagne des Lumières, alors même que Lessing fait applaudir sur le théâtre son chef-d'oeuvre, Nathan le Sage», pour lequel le philosophe Moïse Mendelssohn, le grand-père du compositeur, a servi de modèle, les juifs sont toujours tenus en lisière, dans la crainte du Hep! Hep! Jude!», cri précurseur de tous les pogroms. A Francfort, chez le landgrave de Hesse-Hanau, le nom de famille était un privilège que les juifs ne possédaient pas. Ils usaient généralement des enseignes de leur maison pour s'identifier. L'écu rouge fut, pour Mayer Amschel, mieux qu'un succédané de nom, un mot de passe, une sorte de sésame pour forcer le destin, défier et contraindre les hasards de l'Histoire. Car, sinon, comment expliquer la fortune unique et la longévité de cette famille, tôt devenue la famille» - qui sut, encore plus haut que sa devise Concordia, Integritas, Industria» Unité, Intégrité, Activité, porter celle de banque et brocante»? Oui, comment ces princes de la haute banque, ces trapézistes de la finance, ces philanthropes, ces mécènes, ces collectionneurs, savants et grands excentriques, viticulteurs heureux et invétérés turfistes ont-ils pu se maintenir, telle une véritable dynastie, tout en demeurant des personnes privées, ce qui n'est arrivé, mis à part eux, qu'aux premiers Médicis et aux Fugger? Simplement par la fatalité que recèlent, comme on l'a vu, les dix lettres de ce nom magique qui, après deux siècles, sonne mieux qu'un label de luxe et, parfois malgré eux, force les membres de la famille à se conformer à la devise des Orange-Nassau. Comme ces derniers, en effet, ils maintiennent». Ainsi, durant la dernière guerre, Victor, lord Rothschild, s'était installé, pendant le Blitz, à l'hôtel Dorchester avec sa famille. Chaïm Weizmann, le chef du sionisme mondial, se trouvait à Londres et habitait le même hôtel. Lors d'un bombardement, Weizmann, une nuit entière, observa, dans la cave où les clients s'étaient réfugiés, le lord qui tentait de calmer ses trois jeunes enfants. Il finit par lui demander pourquoi il n'avait pas, ainsi que beaucoup de gens fortunés, envoyé ses enfants aux Etats-Unis. Pourquoi? s'écria lord Rothschild. Mais simplement à cause de leur fichu nom de dix lettres. Si je les envoyais là -bas, aussitôt le monde entier dirait que 7 millions de juifs sont des lâches.» PRÉDISPOSÉS AU BONHEUR Convenons cependant que, si le nom a fait beaucoup pour la légende, il y a une prédisposition chez les Rothschild au bonheur. Le baron Guy avoue d'ailleurs volontiers qu'il ne se mérite pas, qu'il n'est pas une récompense. Ce qu'il ne dit pas, c'est que, plus violente que cette prédisposition, plus forte que la fatalité quasi racinienne souvenez-vous de la fille de Minos et de Pasiphaé» qui s'attache à leur nom, ils possèdent une vertu éminemment juive la chutzpah» le ch» se prononce r». Comment, autrement que par culot», traduire ce mot yiddish? Un culot qui comprendrait également, avec ce qu'il faut de charme, d'esprit, une bonne pincée de roublardise. Le grand savoir, en somme, du bel embobinage. Quelques exemples? Eh bien, quand on demandait à la vieille Gutel, la femme de l'ancêtre, qui lui survécut plus de trente-cinq ans et qui, comme lui, n'avait pas voulu quitter la maison de la Judengasse, s'il y aurait bientôt la guerre, elle répondait Non, mes fils ne la veulent pas.» L'Histoire pour elle n'était ni plus ni moins que du papier escompté chez Messieurs frères. Chutzpah également, la saillie de Nathan Mayer, le deuxième fils d'Amschel et de Gutel, fondateur de la branche anglaise. Le baron se trouvait à un bal chez le prince de Talleyrand, à Londres, lors de son ambassade près la cour de Saint James. Le duc de Montmorency expliquait son arbre généalogique au duc de Wellington. Le baron Nathan écoutait silencieusement tant de grandeur. A la fin, il coassa Bon, c'est très bien. Vous êtes le premier baron de la chrétienté. Eh bien, moi, je suis le premier baron juif. C'est beaucoup plus intéressant, et pourtant je n'en fais pas tant d'histoires...» Wellington sourit. Il connaissait son Nathan. Celui-ci ne lui avait-il pas rétorqué un jour, alors qu'il se montrait quelque peu sentimental en se souvenant de tous les morts des campagnes napoléoniennes Après tout, s'ils n'étaient pas tous morts, Votre Grâce, vous seriez encore lieutenant...»? C'était ce même Nathan Mayer qui répondit à un cireur de chaussures lui demandant pourquoi il ne lui donnait qu'un penny de pourboire alors que de son fils Lionel il recevait un shilling Ce garçon peut être généreux. Il a un père millionnaire. Moi pas.» LE PLUS CHUTZPAH DE TOUS Les histoires de Nathan, comme celles de son arrière-petit-neveu le baron Maurice père de l'actuel baron Edmond, sans doute le plus chutzpah de tous les Rothschild et aussi le plus doué, sont sans fin. Vous en voulez une autre? Sa fille, Hannah, aimait la musique. Il s'était donc fait à l'idée de donner des soirées musicales, où il s'ennuyait. Un soir que Paganini jouait, il le félicita avec l'accent inimitable du baron de Nucingen Foilà une cholie muzique!» Quelques invités sourirent. Il fit alors sonner des pièces dans sa poche Za, z'est ma muzique à moi. Le monde l'égoute avec adention mais ne la respecte pas autant.» Cette chutzpah peut devenir une arme redoutable quand l'unité de la famille est menacée ou que le principe de son intégrité est battu en brèche. Ainsi, Nathan, toujours lui, après que la Banque d'Angleterre eut retourné sans le payer un reçu de son frère Amschel, de Francfort, en proclamant qu'elle n'honorait pas des billets de particulier, s'écria Mais les Rothschild ne sont pas des particuliers!» Le lendemain, il se présenta avec une dizaine de ses commis aux guichets de la Banque d'Angleterre pour demander le paiement en or d'un certain nombre de billets. En une journée, il réduisit les réserves d'or de la banque de près de 100 000 livres. Le lendemain, dès l'ouverture, le petit homme en colère était de nouveau là , prêt à faire banquerouter l'Etat anglais. Le directeur, alerté, lui demanda combien de temps il comptait poursuivre sa plaisanterie. Ce n'est pas une blaizanterie. Rothschild gontinuera à douter des billets de la Banque d'Angleterre tant que celle-ci doutera de zeux des Rothschild.» La Banque d'Angleterre déclara qu'elle serait heureuse d'honorer, désormais, tout chèque des cinq frères. Pour trouver d'autres beaux exemples de roublardises bien ourlées, il faut regarder du côté de feu le baron Maurice, le plus riche, le plus fastueux et le plus insupportable des Rothschild. Ayant hérité d'Adolphe de Rothschild, le dernier Napolitain», il avait en sa possession les fabuleuses collections acquises auprès des derniers Bourbons de Naples, notamment les objets Renaissance des Farnèse. Après la Seconde Guerre mondiale, avisé d'une probable grève des douanes, il fit charger, dans plusieurs camions, ses collections et attendit dans la montagne le repos du douanier. Le jour arrivé, il passa la frontière suisse. Il avait également hérité de son oncle napolitain le château de Pregny, premier ouvrage, pour la famille, de l'architecte Paxton, le célèbre auteur du Crystal Palace. C'est à Pregny que se trouve le bureau du ministre Choiseul, avec ses bronzes de Caffieri. Selon Maurice Rheims, qui connaît bien les collections Rothschild, de tous les tableaux de Rembrandt, de Goya, de Van Gogh, de Vélasquez..., de tous les meubles de Weisweiler, d'?ben, de Riesener..., de tous les objets où le moindre bronze est signé Jean Bologne quand il n'est pas de Cellini, ce bureau est, sans doute, la pièce la plus inouïe. La parfaite association de l'art d'un grand bronzier et de celui d'un parfait ébéniste. Un meuble d'une précocité étonnante. Il n'y a pas si loin entre ce bureau et une station de métro de Guimard.» A toutes les générations, les Rothschild, donc, ont eu la brocante dans l'âme. Des collectionneurs-nés. Ils n'achètent que ce qu'il y a de mieux. Cela finit par créer un style, un goût. Une maison Rothschild se renifle de loin. Différentes, elles se ressemblent toutes. Certains objets ne peuvent être qualifiés que par un C'est Rothschild». Comme certains menus servis à leur table avec des plats établis par Carême, le chef que le baron James, le grand baron», débaucha de l'hôtel Talleyrand. C'est Rothschild, et pas autre chose, que le fameux soufflé à la vanille et aux fruits confits. La perfection, toujours la perfection. Pour éblouir le monde? Non, pour en ficher plein la vue aux cousins d'Angleterre ou d'Autriche. Que l'un se fasse construire un palais par Paxton, aussitôt l'autre, juste débarqué de Vienne, se met à édifier en Angleterre, avec l'aide d'un architecte français, un château Renaissance qui fait de l'oeil au Grand Siècle. Et voilà Waddesdon Manor, trônant comme une verrue dans la verte campagne anglaise. Le baron Ferdinand, qui a le goût opulent mais xviiie, y entasse des Watteau, des Oudry, des Guardi... et sa soeur, la terrible baronne Alice, au beau milieu. Cette Alice, jardinière émérite, qui, en la bousculant, avait crié à la reine Victoria, laquelle marchait sur ses pelouses Get out of my lawns!» Elle héritera de la verrue; à sa mort, le château passera à un neveu français, James, le frère aîné de Maurice, l'ami des douaniers. Il fera peindre une énorme fresque par Léon Bakst, le peintre des Ballets russes de Diaghilev, où seront représentés les membres des branches anglaise et française. Le sujet? La Belle au bois dormant. Chez les Rothschild, l'enchantement commence toujours par eux-mêmes. Chaque Rothschild mériterait une biographie. Lionel, qui fut élu quatre fois membre du Parlement anglais et qui batailla sans y siéger, durant onze ans, pour qu'on change le cérémonial de la prestation de serment. Et finit par jurer sur l'Ancien Testament, la tête couverte. Alphonse, le grand-père de l'actuel baron Guy, qui souscrivit avec ses frères, en 1870, et paya cash la moitié de l'indemnité demandée par la Prusse. Mécène, il acheta plus de 2 000 oeuvres aux artistes de son temps. Et en fit don aux musées français. Edmond, le grand-père de l'actuel baron Edmond, qui achète au gouvernement turc des terres en Palestine, lesquelles, en 1947, deviendront les avant-postes d'Israël. C'est le père du Ychouf. ATTACHÉS À L'ÉPOPÉE JUIVE Il faudrait des volumes entiers pour expliquer les Rothschild et le chemin de fer, les Rothschild et les chevaux, les Rothschild et le vin. Des livres et des livres pour dresser la liste des fondations et des hôpitaux. Et bien d'autres ouvrages encore pour dire que, bien qu'assimilés, jusqu'à être devenus, comme le baron Guy, la quintessence de l'esprit aristocratique, souvent même peu pratiquants pour ne pas dire peu croyants, leur attachement à l'épopée juive est profond. Dans cette bibliothèque entière qui leur serait consacrée, il ne faudrait pas oublier les femmes. Penser aux filles de Rothschild ayant épousé des Rothschild. Vieilles filles ou nièces mariées à des oncles, cousines à des cousins afin que la fortune ne soit pas dispersée. Aux autres aussi, les Stern, les Halphen, les Fould, les Cahen d'Anvers, les Zuylen, souvent déjà alliés de la famille... qui portèrent haut le blason aux cinq flèches. La savante Miriam de Rothschild, spécialiste mondiale des puces, Noémie, qui inventa Megève, Nadine, habituée des best-sellers, Nicole, productrice de films, Philippine, qui dirige, en grand patron, Mouton-Rothschild, la spirituelle Lilian, à qui Versailles doit beaucoup. Enfin, Marie-Hélène, la dernière des fées sans qui le nom de Rothschild ne serait pas tout à fait ce qu'il est... Vous touchez à leur intimité. Vous vous sentez déjà Rothschild. Alors, une dernière anecdote en guise de douche froide. A l'enterrement du baron James, qui voulut être mené dans le corbillard des pauvres Vous pleurez. Sans doute êtes- vous de la famille? demande un Rothschild à son voisin. - Non, hélas, c'est bien ce qui m'attriste!» PHOTOS De gauche à droite, Simon Vienne, Anselm Mayer Francfort et Karl von Rothschild Naples. Européens avant la lettre. Olympia, David, Edouard, Guy et Marie-Hélène à Chantilly en 1979. Elie, Guy et Alain, de la banque Rothschild, en 1967. Edmond, que l'on croyait définitivement endormi dans sa retraite suisse. En haut, Eric et David. A la tête de Gestion, petit holding ayant survécu à 1981 ils en ont fait une banque. Mme et M. Guy de Rothschild dans leur château de Ferrières ci-contre. Marie-Hélène. Sans elle, le nom ne serait pas tout à fait ce qu'il est. En haut, Philippine pendant les vendanges à Mouton- Rothschild. MESSIEURS DE ROTHSCHILD FRERES ET COUSINS GENEALOGIE DE LA FAMILLE Les plus lus OpinionsChroniquePar Gérald BronnerLa chronique d'Aurélien SaussayPar Aurélien Saussay, chercheur à la London School of Economics, économiste de l'environnement spécialiste des questions de transition énergétiqueChroniqueAbnousse ShalmaniLa chronique de Christophe DonnerChristophe Donner
Malgrél'humour et la vertu . Il faut ici montrer son cul . Malgré la haine et la fierté . Il faut ici se défroquer . Malgré l'amour et la tendresse . Il faut ici montrer ses fesses. Poussez ! poussez ! les constipés . Le temps ici n'est pas compté . Venez ! venez ! foules empressées . Soulager là votre diarrhée . Car en ces lieux06 mars Loysel Toute justice émane du roi. » La justice et les juges font la une de l’actu, remis en question à propos des affaires » qui troublent la campagne électorale de la prochaine élection présidentielle. Nous avons déjà traité des affaires cf. indexation cas autrement plus graves au fil de l’Histoire, à commencer par l’Affaire Dreyfus. En six jours et une trentaine de citations, cette petite histoire de la justice explique l’évolution d’une grande institution qui fonde l’état de droit. 1. Au Moyen Âge. Hors les périodes d’anarchie, d’invasions et de guerre, la justice est déjà codifiée et le sens de la justice très poussé, au Moyen Âge. Le mérite en revient d’abord à quelques grands rois dont l’Histoire retient légitimement le nom, cependant que l’action de l’Église facilite la prise du contrôle royal sur une France en devenir. 03 mars Sade Respectons éternellement le vice et ne frappons que la vertu. » Le ton se durcit. Sade est un génie, à la fois hors siècle et pourtant bien de ce siècle. L’humour sadien fascine aujourd’hui encore, pervers, caricatural, comique, voire assassin. Quant aux philosophes, chacun marque l’époque de sa personnalité, notamment Voltaire et Diderot - Montesquieu est mort et Rousseau fait vraiment bande à part. 01 mars Épigramme Soubise dit, la lanterne à la main, J'ai beau chercher ! où diable est mon armée ? » L’armée sous Louis XV - mauvaise époque. On manque de bons chefs militaires la petite noblesse n’atteint pas les hauts commandements que se réserve la noblesse de cour, corrompue par la vie à Versailles. Le gouvernement se révèle incapables de gérer la situation, l’armée coûte de plus en plus cher au pays et la fiscalité s’alourdit. Mais la guerre ne se joue pas sur le sol de France et ne menace pas tragiquement ses frontières, comme au siècle dernier ou au siècle suivant. On en parle donc plus légèrement. 27 fév Argenson M. le cardinal de Fleury mourut enfin hier à midi. On n'avait jamais vu d'agonie si comique... » Le règne personnel de Louis XV commence enfin. Enfant roi adoré par le peuple, adolescent beau comme l’amour, séducteur jusqu’à la fin de sa vie, Louis le Bien-Aimé finira haï. Ses aventures amoureuses défraient la chronique, en un siècle où les jeux amoureux passionnent la cour, les bourgeois, le peuple, les artistes - l’amour dans tous ses états, au siècle de Fragonard. Sans jamais oublier l’humour, omniprésent au siècle de Voltaire.Pourbien debuté la semaine Lol LA POESIE DES C A B I N E T S Malgré l'humour et la vertu Il faut ici montrer son cul Malgré la haine et la fierté Il faut ici se défroquer Malgré l'amour et la tendresse Il faut ici montrer ses fesses. Poussez ! Poussez